Les conflits s’accompagnent plus souvent qu’autrement d’un sentiment de déception. Même s’il n’est pas nécessairement exprimé ouvertement, celui-ci joue sur la dynamique entre les protagonistes. Certaines personnes peuvent même refuser des solutions intéressantes parce que l’impression d’avoir été trahies est trop forte pour accepter de régler à l’amiable. Dans la littérature, on appelle ce phénomène le bris du contrat psychologique. Mieux le comprendre permet au médiateur de le détecter plus facilement et d’intervenir pour désamorcer son influence négative sur la recherche d’une entente.
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Selon le modèle de l’iceberg du contrat
psychologique, une bonne partie des
attentes ont implicites. (Source: Wikiberal)
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Contrat psychologique. Le contrat psychologique représente les droits et les récompenses qu’un employé croit qui lui sont «dus» par son employeur, les diverses attentes qu’il entretient et les obligations que celui-ci a à son endroit en contrepartie du fruit de son travail, de sa fidélité et de son honnêteté. Par extension, on peut appliquer la notion de contrat psychologique à toute relation entre deux personnes lorsqu’il existe entre celles-ci une expectative l’une envers l’autre. Ce type de convention comprend généralement deux dimensions.
Dimension transactionnelle. Il y a d’abord celle qu’on qualifie de transactionnelle et qui englobe les bénéfices concrets attendus de la relation, par exemple, la paye, les règles de partage, les avantages sociaux et autres éléments de même nature. Comme ces attentes sont explicites et parfois même contractuelles, il est relativement facile de les identifier.
Dimension relationnelle. Il y a également la dimension associée à la relation. Celle-ci concerne principalement la manière d’interagir entre les individus, par exemple, le support émotif et professionnel octroyé, le partage équitable des tâches, le respect et l’honnêteté, etc. Il est à noter cependant que ces attentes sont souvent implicites et peuvent parfois diverger d’une personne à l’autre sans qu’on en soit pleinement conscient.
Bris explicite. Le bris est explicite lorsqu’on peut objectivement dire qu’une condition du contrat n’a pas été respectée. Par exemple, un gestionnaire oublie d’attribuer un avantage mérité à une personne (paiement du temps supplémentaire). Il s’agit souvent d’un accroc sur le plan de la dimension transactionnelle du contrat psychologique. Il peut résulter d’un oubli, d’une mauvaise compréhension des termes de la convention ou encore dans certains cas, de malveillance. Il est généralement facile à identifier et à objectiver, et il est souvent l’objet principal du conflit.
Bris implicite. Le bris est plutôt implicite lorsqu’un individu a le sentiment que l’autre n’a pas respecté les attentes, mais ne le manifeste pas ouvertement. Ce type de rupture souvent relié à la dimension relationnelle, est associé à la nature informelle des contrats. Parfois, les attentes ne sont même pas communes! C’est ainsi qu’une personne peut entretenir l’idée que son vis-à-vis ne suit pas les normes associées à la relation, alors que ce dernier ne s’en rend pas compte. Par exemple, un employé se serait attendu à ce que son gestionnaire prenne au sérieux les mauvaises blagues faites à son égard et les fasse cesser, alors que pour le supérieur hiérarchique, ce n’était que des enfantillages. Un des problèmes avec ce genre de bris est qu’ils ne sont pas nécessairement abordés de front et demeurent ainsi en arrière-plan d’un conflit.
- Mettre la table en expliquant le phénomène. Sans excuser personne ni banaliser le problème, il est important que les protagonistes comprennent que le bris de contrat est fréquent quand on parle d’attentes implicites. L’idée est simplement de dédramatiser la conversation.
- Permettre aux gens d’exprimer la façon dont ils percevaient leur convention psychologique afin de rendre claires les déceptions. Bien expliquer qu’il ne s’agit pas d’accusation, mais de mise en commun des perspectives de part et d’autre.
- Cibler les besoins que peuvent ressentir les personnes : exprimer leurs frustrations, comprendre ce qui s’est passé, obtenir une certaine reconnaissance du tort subi? Encore une fois, il s’agit de préciser les attentes respectives quant à ce qui est nécessaire pour «tourner la page».
Références
- TOMPROU, Maria, ROUSSEAU, Denise M., et HANSEN, Samantha D. The psychological contracts of violation victims: A post‐violation model. Journal of Organizational Behavior, 2015, vol. 36, no 4, p. 561-581.
- ROBINSON, Sandra L. et MORRISON, Elizabeth Wolfe. The development of psychological contract breach and violation: A longitudinal study. Journal of Organizational Behavior, 2000, p. 525-546.
- ZHAO, H. A. O., WAYNE, Sandy J., GLIBKOWSKI, Brian C., et al. The impact of psychological contract breach on work‐related outcomes: a meta‐analysis. Personnel Psychology, 2007, vol. 60, no 3, p. 647-680.